Jour 7

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Jour 7 - 3

De Los Arcos à Logroño Viana
18kms. 4h.

Aujourd’hui, pendant que je marchais en traînant mes pas tandis que la rosée n’avait pas encore fini de tomber, je suis passée par un de ces nombreux villages déserts qui s’accumulent dans ma tête avec les kms. Ici, dans cette solitude sempiternelle de matin oublié, je suis tombé sur cette maison. Elle était seule elle aussi et on devinait au travers de ses fenêtre la nudité de sa structure désormais en ruines, en clôture. J’ai réfléchis sur le fait que je suis très attirée par les maisons de ce style, les endroits comme ça. Ils me permettent de me raconter des histoires sur qui a vécu là, comment, quand. Quel âge a cette construction, à combien de pluies a-t-elle survécu.

Ensuite, je suis tombé sur une cathédrale monumentale en ruines, et je me suis dit que peut-être qu’aujourd’hui était le jour de la compréhension de la solitude, de la déshabitation de ces lieux… et aussi de soi-même.

Jour 7 - 1

Bien que mon esprit reste intact, mes pieds ne cessent de souffrir à chaque pas. Je sens que mon coeur avance à des milliers de kms mais que mes pieds ne peuvent pas l’accompagner. C’est pour ça que j’ai du dire stop et pour la première fois depuis que j’ai commencé le chemin, je n’ai pas fini l’étape prévue (29 kms) et j’ai décidé de passer la nuit 18 kms après le départ. Je sentais une espèce de résignation mélangée avec un sentiment de défaite. Une espèce d’autoconviction, une sorte de tristesse frustrée. Bien que le Chemin devrait se faire sans marques, sans temps, il les possède et tu te sens faible quand tu ne finis pas une étape.

Je décidai que je reprendrais mon esprit original pour faire ça : vivre le chemin avec mon journal, mes photos, sans essayer d’enfiler les étapes.

Quand tu commences le chemin, d’une certaine façon, tu commences une famille avec tous ceux que tu as vus le premier jour. Tu te sens protégé, accompagné, connu… En les voyant partir, aujourd’hui, alors que je leur souhaitais un bon chemin et une longue vie, je n’ai pu éviter de me sentir déshabitée, comme la maison, comme l’église…

… le moment arrive de m’habiter à nouveau et d’ouvrir les portes à ceux qui viendront lors des prochains kms.

Viana, c’est le lieu où tout ça est arrivé. et bien que j’ai eu ces sentiments, ma décision n’a fait que se confirmer depuis que je suis entrée dans ce village. En commençant à monter les côtes, les rues laissaient échapper des effluves de biscuits sucrés sans qu’il y ait la moindre boulangerie dans le coin ; les cloches redoublent sans arrêter et me montrent le chemin vers l’église où l’on me recevrait avec du vin et des olives – « c’est la fête du village, aujourdhui ». Et, sorti de nulle part, l’un des plus beaux cadeaux que j’ai reçus : Paulino Harina.

85 ans et amoureux d’une Venezuela qu’il a parcouru mieux que moi. Jeune, sa mère lui avait demandé « Mais, pourquoi tu pars ? Qu’est-ce qui te manque, à la maison ? » « Ce n’est pas qu’il me manque quoi que ce soit, maman, je veux voir le monde… »

Après m’avoir chanté plusieurs chansons a capela, nous nous sommes promis de ne pas nous oublier.

Jour 7 - 2

3 réflexions sur “Jour 7

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